L’Etat est communément défini comme une collectivité qui se compose d’un territoire et d’une population soumis à un pouvoir politique organisé. Un Etat se caractérise donc par la souveraineté : C’est un attribut de l’Etat mais pas une condition d’existence : c’est la conséquence de la qualité de l’Etat.
Les éléments constitutifs de l’Etat
3 éléments doivent être réunis : il n’y a pas d’Etat sans territoire, ni sans population, ni sans gouvernement.
Le territoire
C’est l’assise spatiale de l’Etat, l’espace dans lequel l’Etat/gouvernement exerce ses compétences.
Le territoire est « l’espace comprenant des éléments terrestres et non terrestres (espace aérien, éventuellement espace maritime) dans le cadre duquel l’Etat exerce sa souveraineté». conséquence : c’est aussi la limite : hors du territoire, la compétence de l’Etat ne s’exerce pas, seulement à l’intérieur des frontières.
Il y a donc un lien entre le territoire et le gouvernement. Le territoire est important car il faut que le gouvernement exprime pleinement sa souveraineté sur tout le territoire.
Il y a aussi un lien entre le territoire et la population : pas d’Etats nomades. Le territoire est l’endroit où vit la population.
La taille du territoire n’a pas d’importance, il n’est pas obligé d’être continu (peut être archipélagique), il peut être scindé sur plusieurs parts (par ex, le Pakistan avant la sécession du Bangladesh). La frontière entre la France et l’Espagne et nette mais il y a des enclaves espagnoles en France, et des enclaves françaises en Espagne. Mais ça ne remet pas en cause l’existence de l’Etat.
Les composantes du territoire
Le territoire maritime:
Il comprend les eaux intérieures, la ligne de base et la mer territoriale
La convention de Montego Bay sur le droit de la mer du 10/12/1982 intègre dans l’espace maritime de l’Etat une partie de la mer, des fonds marins et de son sous-sol.
Celles-ci sont :
1/Les eaux intérieures
Au sens géographiques, les eaux intérieures désignent les eaux incluses de tous côtés dans les terres. Au sens juridique, l’expression renvoie à la zone appartenant à l’Etat située derrière la ligne de base de la mer territoriale à laquelle s’ajoute les ports, rades, les baies et excroissance de la côte.
2/la ligne de base
C’est un tracé artificiel délimitant les espaces marins et à partir duquel est mesurée la mer territoriale
3/La mer territoriale
Zone maritime adjacente aux côtes d’un Etat incluant le fond de la mer, le sous-sol et l’espace sur-jacent à l’étendue d’eau
(cf convention de genève du 29 avril 1958)
Depuis la convention de Montego Bay de 1982, la distance maximale autorisée de la mer territoriale est de 12 milles marins.
*La zone économique exclusive créée par la convention est un espace maritime s’entendant jusqu’à 200 milles marins au-delà des côtes. L’Etat peut y exercer des droits souverains en matière juste économiques, principalement la réglementation de la pêche. ce n’est pas son territoire donc il n’a pas une souveraineté plein et entière. Un bateau peut y naviguer
*La Convention de Montego Bay confère à l’Etat des droits souverains sur le plateau continental. Cette zone correspond au « prolongement naturel du territoire terrestre sous la mer ». LA distanciation de ce plateau varie en fonction du sous-sol maritime de l’Etat jusqu’à une distance maximalede 350 milles marins au-delà des côtes.
Au delà, c’est la haute mer (les eaux internationales), liberté totale de navigation, ça appartient à tous, c’est la chose commune ( !!! : on ne dit pas « ça n’appartient à personne, car cela serait susceptible d’être pris par quelqu’un) : c’est le Patrimoine Commun de l’Humanité.
Par ex : une convention en 1982 est venue réguler l’exploitation des grands fonds marins afin d’en faire bénéficier tous les pays. Cette convention a été ratifiée en 1994.
Le territoire aérien
Selon la terminologie juridique, l’expression désigne la couche atmosphérique relevant de la souveraineté étatique qui surplombe l’espace terrestre et la mer territoriale.
Au dessus, l’espace extraathmospherique est le patrimoine commun de l’humanité : on exploite cet espace en y mettant des satellites, ce qui peut avoir des conséquences.
Le territoire terrestre : le sol et le sous-sol à l’intérieur des frontières
La délimitation du territoire
Sentence arbitrale du 31/7/1989 : la frontière est l’ensemble des points au delà desquels s’exerce la compétence de l’Etat.
La CIJ (en 1994) : « définir un territoire, c’est définir ses frontières », c’est ce qui assure sa sécurité. La frontière est la limite entre la compétence de 2 souverainetés.
Le tracé de la frontière
Les Etats sont libres de choisir le tracé qu’ils veulent. Souvent, il y a un traité de limite ou traité de frontière. Mais s’ils ne sont pas d’accord, ils peuvent faire appel à un tiers (un médiateur, un juge, n tribunal d’arbitrage ou une cour de justice…).
Les Etats peuvent choisir une frontière naturelle, comme un fleuve (le Rhin entre la France et l’Allemagne) mais où placer la frontière ?
-à la rive ? dans ce cas tout le fleuve appartient à un des pays.
-A la ligne médiane, au milieu du fleuve ? mais le chemin navigable n’est pas forcement au milieu du fleuve
-Au milieu du chemin navigable ? thalweg : solution equitable
Une autre frontière naturelle peut être une montagne (par ex : les Pyrénées) : on peut choisir soit la ligne de partage des eaux, soit la ligne des cretes.
Autre frontière artificielle : on trace une ligne « astronomique » selon un parallèle ou un méridien terrestre, c’est une frontière qui ne retient pas un élément de la nature.
Les 2 Etats sont libres tant qu’ils parviennent à une solution pacifique.
Principe de l’uti possidetis juris[1] : ce principe apparaît lors de la décolonisation de l’Amérique Latine au 19e siècle et elle est reprise lors de la décolonisation Africaine au 20e siècle puis lors de la dissolution de l’URSS ; pour chaque grande étape de la décolonisation, la formule est reprise.
Principe : les nouveaux Etats vont conserver les frontières fixés antérieurement (soit par le colonisateur, soit par la fédération), l’Etat qui accède à l’indépendance garde les frontières qu’il avait auparavant.
Affaire du Burkina Faso contre Mali en 1986 (CIJ) : principe lié à l’accession à l’indépendance des Etats quel que soit le continent.
C’est le principe de l’intangibilité des frontières : les Etats d’Afrique affirment ce principe : donc les nouveaux Etats s’engagent à garder les frontières dont ils héritent quand ils accèdent à l’indépendance[2]. Ce principe sert à éviter que les revendications territoriales (il y a une autre partie de la population de l’autre coté ou que les dirigeants ne sont pas d’accord) ne menacent la stabilité du nouveau pays.
Cela ne va pas vraiment dans le sens du Droit des peuples à disposer d’eux même mais la base c’est l’intangibilité des frontières. Le pays peut entrer en négociations après avec son voisin pour changer les frontières. L’intangibilité ne signifie pas immuabilité (mais il faut un règlement pacifique des différends)
La fixation de la frontière
Opération technique importante. Par ex : Affaire du Temple de Preah Vihéar[3] (CIJ,1962). Au début des années 1900, le Siam(territoire de Thaïlande) et la Cambodge (français) décident de fixer les frontières par traité puis établissent les cartes : le Siam n’a pas les moyens de s’offrir des topographes et fait confiance aux topographes français pour faire les cartes. Mais les topographes font une erreur : le temple se retrouve en territoire Cambodgien alors qu’il aurait du être en Thaïlande selon les termes du Traité.
Le Siam reçoit les cartes, ne vérifie pas et ne s’aperçoivent pas de l’erreur. Il y a plusieurs visites du Siam au Temple, donc on considère que le Siam a acquiescé la carte. Mais plus tard, la Thaïlande proteste et la CIJ dit que la Thaïlande aurait du protester donc on considère que la Thaïlande a acquiescé et donc ne peut récupérer son temple. On ne peut remettre en cause cette situation stable et définie qui s’est constituée de fait.
Il est donc important de vérifier toutes les étapes :
- traité signé
- délimitation de la frontière : opération sur le papier
- démarcation : reporte sur le terrain la délimitation papier, on fait des relevés
- abornement : on met des repères, des piquets, des bornes, pour matérialiser
Cela concerne la frontière maritime aussi. Quand il s’agit de frontière maritime, il y a une évolution de la jurisprudence : il faut essayer de trouver une solution équitable.
[1] L’expression provient de la phrase uti possidetis, ita possideatis qui signifie : « Comme tu as possédé, tu continueras à posséder. »
Provenant du droit romain, le principe autorise une partie à contester et à réclamer un territoire qui a été acquis par la guerre. Le terme a été historiquement utilisé pour légitimer les conquêtes territoriales, par exemple l’annexion de l’Alsace-Lorraine par l’Empire allemand en 1871
[2] En 1964, l’Organisation de l’unité africaine décida que le principe de l’intangibilité des frontières coloniales – le principe-clé de l’uti possidetis juris – serait appliqué à travers toute l’Afrique.
[3] Affaire du Temple de Préah Vihéar (fond)
Arrêt du 15 juin 1962
L’affaire du Temple de Préah Vihéar (fond) entre le Cambodge et la Thaïlande avait été introduite le 6 octobre 1959 par une requête du Gouvernement cambodgien; le Gouvernement thaïlandais ayant soulevé deux exceptions préliminaires, la Cour s’était déclarée compétente par arrêt du 26 mai 1961.
Dans son arrêt sur le fond, la Cour, par 9 voix contre 3, a dit que le temple de Préah Vihéar était situé en territoire relevant de la souveraineté du Cambodge et, en conséquence, que la Thaïlande était tenue de retirer tous les éléments de forces armées ou de police ou autres gardes ou gardiens qu’elle avait installés dans le temple ou dans ses environs situés en territoire cambodgien.
Par 7 voix contre 5, la Cour a dit que la Thaïlande était tenue de restituer au Cambodge les sculptures, stèles, fragments des monuments, maquettes en grès et poteries anciennes qui, depuis la date de l’occupation du temple par la Thaïlande en 1954, auraient pu être enlevés du temple ou de la zone du temple par les autorités thaïlandaises.