Le Parlement est au XIIIème un bâtiment pour la curia regis, près de la Cour (qui se trouve alors à l’emplacement actuel de la Conciergerie). On appellera rapidement cette cour la curia in parlamento (la cour en train de parler). Bientôt cet organe va devenir de plus en plus spécialisé
Un organe spécialisé
Le Personnel spécifique du Parlement
Jusqu’à la fin du XIIIème, les membres de ce qu’on appelle maintenant le Parlement, variait à chaque réunion. La preuve, c’est que le Roi dressait à la fin de chaque session la liste de ceux qui auraient à tenir le prochain Parlement. Donc il n’y avait pas continuité dans le personnel.
Qui trouvait-on parmi les personnes désignées par le Roi ? On trouvait les conseillers royaux, les fameux chevaliers ès loi (les légistes) qui étaient choisis pour leur compétence et qu’on appelait les « maitres tenant la Cour du parlement ». Participaient aussi un certain nombre d’officiers du Palais, les officiers palatins. Eventuellement on trouvait aussi et ce n’est pas un hasard les agents locaux de la royauté (baillis et sénéchaux) qui sont des agents nommés et rétribués par le Roi (et aussi révocables par celui-ci).
A coté des professionnels du droit le Roi convoque parce que c’est de son pouvoir un certain nombre de hauts ecclésiastiques, un certain nombre de ses barons. Il les convoque au titre de leur église ou au titre de leur fief. Ce sont ses vassaux que le Roi convoque, toujours selon le même principe, au titre de l’aide et du conseil qu’un vassal doit à son seigneur (même si nous sommes passés de la suzeraineté à la souveraineté). Ce n’est pas étonnant de trouver un certain nombre de vassaux du Roi, qu’ils soient ecclésiastique ou laïcs, parce que le Parlement juge aussi les causes qui touchent les vassaux du Roi (voir chapitre : lutte justice royale et seigneuriale).
L’évolution est parallèle à ce qui se passe dans les conseils. Après un siècle, au début du XIVème, l’élément professionnel n’est plus renouvelé à chaque session. C’est à ce moment là alors, avec un petit décalage dans le temps, que l’institution se dote d’un personnel fixe. A partir de moment là, et c’est un très grand changement, les conseillers au Parlement deviennent des magistrats permanents dont le nombre va aller croissant (nous là à l’origine de l’organisation judiciaire).
C’est ainsi que l’ordonnance de Philippe VI du milieu XIVème consacre cette évolution puisque cette ordonnance nomme un certain ombre de conseillers au Parlement sans aucune limitation numérique. Néanmoins, même si à partir de ce moment là les conseillers au Parlement étaient devenus permanent, ils n’en étaient pas pour autant inamovibles (c’est différent). Et de fait pendant un certain temps ils continuent d’être nommés par le Roi, aussi longtemps qu’il plaît au Roi, puisque à cette époque, au XIVème, le Roi a la main sur ses conseillers, ce qui dit autrement veut dire qu’il conserve la faculté de les révoquer à n’importe quel moment de leur office.
Seulement c’est le piève dans lequel la royauté est tombée (pouvait elle faire autrement) , elle a constaté qu’une trop grande mobilité des conseillers au Parlement devenait une gêne pour bien conduire les affaires. Une trop grande mobilité nuisait aux impératifs d’une bonne gestion.
Cela ne s’est pas fait tout de suite, et il y eu quelques résistances, mais la royauté essentiellement pour raisons d’efficacité va s’orienter vers l’idée qu’il faut une grande stabilité dans le corps de ses conseillers. Par conséquent on constate qu’à la fin du XIVème, le Parlement reçoit l’autorisation de coopter ses membres. La cooptation c’est très bien, en règle générale surtout au début on coopte des gens compétents. Mais le risque de la cooptation c’est qu’effectivement la royauté perde le contrôle sur son corps d’officiers judiciaires. Pourtant jusqu’au XVème, l’usage voulait que le Roi renvoyât presque tous les officiers de son prédécesseur. Mais là encore sous la pression des événements, des gens, des parlementaires eux-mêmes, les choses allaient évoluer notamment sous les règnes de Charles VI mais plus encore sous le règne de celui qui avait introduit la réforme des Etats Généraux, Louis XI.
C’est Charles VI, quand il avait encore la raison, qui le premier introduit la pratique de ne plus dresser à l’ouverture de chaque session du Parlement ce que l’on appelle un rôle (une liste). Dès lors ces conseillers étaient censés se perpétuer par reconduction tacite du Roi. Mais on était encore là dans l’usage. N’importe quel Roi pouvait casser, quoique le respect de la coutume puisse toujours limiter l’action royale. C’est Louis XI qui va conférer à cette charge son caractère définitif, comme il a fait pour les Etats généraux.
Quand Louis XI monte sur le trône, il commence par faire le ménage : il révoque tous les officiers du règne précédent. Puis il recrute ses propres officiers dont il est sûr. A partir de là il prend une ordonnance en 1467, importante, car elle porte sur l’inamovibilité des officiers de la judicature. A sa mort, il va refiler le bébé avec l’eau du bain, puisqu’une des règles du royaume est qu’un Roi ne touche par aux ordonnances de son prédécesseur.
Pourquoi Louis XI a-t-il agit en ce sens ? C’était très dangereux. Parce qu’il veut assurer à la fois la qualité et la continuité du service public (ici ne pas hésiter à parler de la notion de service public, on y est), en garantissant à ses agents une contrepartie : la stabilité et la pérennité. Donc ce Roi qu’on a surnommé le « grand remueur d’offices ». Il donnait donc à ses officiers la garantie de l’inamovibilité. Il promettait de ne les destituer qu’en cas de forfaiture (nous dirions aujourd’hui de haute trahison).
Dorénavant, la destitution des officiers, des conseillers du Parlement au gré de la volonté royale disparaît en droit (de jure). C’était une bombe à retardement, le tout était de savoir si elle allait éclater ou pas. Ce que l’on constate alors c’est que ces officiers vont de plus en plus échapper à l’autorité royale, au point de devenir «une marchandise négociable » et pour finir, pire, « un bien de famille transmissible ».
C’est ce qu’on appellera au XVIème et au XVIIème, la vénalité des offices. On peut donc devenir conseiller au Parlement si on de l’agent, et l’hérédité des offices, on devient conseiller au Parlement de père en fils. Vont se constituer des dynasties de parlementaires. Tout cela forcément au détriment de la compétence.
Cette ordonnance aura des effets pervers catastrophiques qui ont porté un coup à l’idée de base qui était celle de Louis XI.
Spécialisé dans ses structures
La spécialisation provient de la diversité des causes, et du perfectionnement des procédures. Cela entraina une nécessaire division du travail à l’intérieur de l’institution.
C’est ainsi donc qu’entre le XIIIème et le XVème, la curia in parlamento va se scinder elle-même en 4 chambres :
- la Grande chambre, dite aussi la Chambre des plaids. C’est elle qu’on continuera d’appelle le Parlement, parce que pendant très longtemps on a admis que les 3 autres chambres sont issues de celle là. C’est en cette Grande chambre qu’en général sont jugées les affaires et la fonction de cette grande chambre c’est de rendre des arrêts qui ont définitifs ou souverains. C’est d’ailleurs en cette grande chambre qui parce qu’elle est grande chambre qui a la préséance sur les 3 autres, que le Roi peut venir et selon l’expression consacrée tenir son lit de justice.
- Après enquête ordonnée par la Grande Chambre, il revient à la deuxième chambre, la Chambre des enquêtes, de procéder à l’instruction préalable au procès et ensuite de juger. Mais à la différence de la Grande chambre, la Chambre des enquêtes siège sans discontinuité. En d’autres termes la Chambre des enquêtes joue le rôle de chambre de vacation pendant la vacance de la Grande chambre.
- La Chambre des requêtes, ou officie les maîtres de requêtes. Quel est leur rôle à l’intérieur de cette troisième chambre ? Il leur revient d’examiner les requêtes des plaideurs qui deviennent de plus en plus nombreux, au point qu’au XVIIème cela deviendra une maladie (qui donnera la pièce comique de Racine, les plaideurs), de se prononcer sur la recevabilité des requêtes ,et le cas échéant de leur délivrer des lettres de justice qui citeront à comparaître devant la Grande chambre les adversaires malheureux ou heureux du plaideur (noter le rôle de plus en plus important de cette antichambre)
- La Chambre des tournelles: A la fin du ???, création d’une chambre spécialisée dans les affaires criminelles. Elle doit son nom car elle siégeait dans la petite tour du palais de Saint Louis ; Pourquoi cette chambre ? il faut se souvenir qu’un juge ecclésiastique (note : le XIIIème c’est la belle époque des justices ecclésiastiques, et la lutte aura lieu au XIVème). Or un ecclésiastique ne peut pas en raison de son état il ne peut pas être au XIIIème « juge de sang ».
- En tout cas donc en principe un juge ecclésiastique ne peut pas faire appliquer la peine capitale. Donc lorsque la justice ecclésiastique sur des crimes et condamnait à la peine capitale, elle ne pouvait pas elle-même exécuter cette peine. Il avait donc fallu décharger les ecclésiastiques de la Grande chambre des affaires criminelles, et les renvoyer devant une commission de conseillers laïcs. Cette commission de conseillers laïcs avait pris l’habitude de se réunir régulièrement, et c’est de ces réunions régulières qu’est née une chambre à part entière, la Chambre des tournelles, qu’on a appelé plus tard la Tournelle criminelle, puis la Tournelle.
On peut dire que le Parlement de mieux en mieux organisé dans ses rouages et de plus en plus réservé à des spécialistes, et de plus en plus créateur de dynasties, et bien le Parlement contrairement à ce que l’on pourrait croire, le parlement n’a pas pour autant pour seule fonction de rendre la justice